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Plaidoyer pour l’autoédition : Pourquoi l’édition classique est en train de dépérir ?

Daniel-Ichbiah chronique IDBOOXAprès plus de 20 ans de succès dans l’édition traditionnelle, je vais peut-être arrêter définitivement de collaborer avec des éditeurs classiques. A une ou deux exceptions près.

Le constat est grave : l’édition classique n’a pour l’essentiel, rien compris au film qui est en train de se dérouler. Ils sont pour la plupart largués, et franchement largués. Bien évidemment, cela ne se voit pas encore, mais la tendance ne va pas dans leur sens.

La vérité, c’est que le monde a changé, depuis une dizaine d’années environ. Nous avons tout simplement changé de civilisation. Comme à l’époque où le monde est passé de la civilisation agricole à la civilisation industrielle. Pour le meilleur ou le pire, de nouvelles organisations du travail et de la société sont nées. Il y a eu à l’époque des gens qui ont su saisir les nouvelles opportunités et d’autres qui ont été balayés.
C’est ce qui est en train d’arriver en ce moment. Nous sommes entrés dans la civilisation Internet. Or, un grand nombre d’éditeurs ne l’ont pas compris et continuent donc de travailler à l’ancienne. Qui en pâtit le plus ? Les auteurs !…

Un auteur peut se retrouver dépendant d’un éditeur qui ne fait RIEN pour vendre le livre sur lequel il a bossé durant des mois ou années. Un auteur peut aussi se retrouver prisonnier, dans l’incapacité de récupérer aisément une œuvre qu’il a créé, que l’éditeur ne vend pas et qui donc ne lui rapporte rien.

Vous avez dit Best-seller ?

Je me présente brièvement. Mon premier best-seller est sorti en 1995, ‘Bill Gates et la saga de Microsoft’. A l’époque, j’ai profité à grande échelle de la notoriété qu’avait soudain acquise Bill Gates en devenant l’homme le plus riche des USA puis du monde. En réalité, le livre avait été publié des années plus tôt par Marabout et n’avait pas eu de succès.

D’une certaine façon, cet épisode était déjà représentatif d’une certaine faille du monde de l’édition. Lorsque j’ai vu que Bill Gates commençait à faire la Une du Point, de Capital et autres médias, j’ai appelé Marabout en disant qu’il fallait à tout prix le re-publier. De guerre lasse, le PDG de Marabout m’a rendu intégralement les droits. Or, dès que le livre est ressorti chez Pocket, il s’est classé dans le Top 10 des ventes de l’époque.

Soit dit en passant, j’ai eu un autre bel exemple de la prescience de certains éditeurs. Lorsque, à l’époque, j’étais allé voir Daniel Ichbiah Bill GatesFillipachi Editions pour leur proposer la bio de Bill Gates, le gars avait répondu :
– Ça ne marchera jamais !
Après le succès du Bill Gates (publié dans une douzaine de pays du monde), je suis retourné le voir pour proposer La Saga des Jeux Vidéo. Il m’a alors dit :
– Ça ne marchera jamais !
– C’est ce que vous m’aviez dit pour Bill Gates, qui est depuis devenu un succès énorme, lui ai-je alors répondu.
– Bill Gates ? C’était certain que cela allait marcher, m’a-t-il alors rétorqué, sûr de son fait.

Passons. La Saga des Jeux Vidéo est devenu un énorme succès, un livre qui continue de se vendre année après année. Depuis 2009, il a été republié par un tout petit éditeur, Pix’n Love qui a la chance de faire partie de la génération Web et donc, il fonctionne super bien.

Pour faire bref, j’ai connu d’autres grands succès dans l’édition classique, notamment avec une méthode de solfège publiée chez Librio et qui a du se vendre aux alentours de 100 000 exemplaires, et continue d’être un gros succès et Les 4 vies de Steve Jobs, publié chez Leduc, un éditeur exemplaire, et qui a été n°1 des ventes fin août 2011.

Daniel Ichbiah les chansons des Rolling Stones

Prendre ses distances avec l’édition classique 

Alors pourquoi ai-je envie de prendre mes distances ? Parce que le monde a changé et que la plupart ne l’ont simplement pas réalisé. Depuis février 2012, je vends des livres en auto-édition sur Kindle, iBooks, Google Play, Fnac Kobo… Et cela m’a ouvert les yeux. Cette activité marche super bien. Et donne une autre idée du monde de l’édition.

OK, l’auto-édition nous montre aussi le revers du métier et soyons honnêtes : un auteur doit travailler dur pour transformer ses livres en ebook, se faire accepter sur les sites de ventes, faire lui-même sa promotion… Cela peut prendre un temps énorme. On réalise aussi que certains livres, quoi que l’on fasse, ne trouvent pas leur public et qu’on pouvait accuser les éditeurs classiques pour rien.

Toutefois, la réalité est très largement en faveur de l’auto-édition. J’ai essentiellement placé sur Kindle et autres des livres qui ‘dormaient’. Des livres qui avaient été publiés et qu’un éditeur avait pu cesser de publier. L’un d’eux, ‘Rock Vibrations’ était sorti fin 2003 et avait connu une carrière ultra-brève. Il raconte pourtant l’histoire de gros hits comme ‘Satisfaction’, ‘Stairway to heaven’, ‘Paris s’éveille’… Depuis, je l’avais proposé à divers éditeurs, estimant qu’il avait encore toutes ses chances et personne n’avait voulu l’éditer. Depuis que je l’ai mis en auto-publication, il semble se vendre tout seul. Il a été n°1 des ventes Musique durant des mois et des mois et remonte régulièrement à cette position.

Rock vib

Le 14 juin dernier, je suis monté n°1 des ventes avec un nouveau  livre auto-publié sur les Rolling Stones, suite à leur passage à Paris. N°1 en auto-publication. J’avais pourtant déjà un livre sur ce même groupe, un livre sorti chez un éditeur classique en 2006. Seulement voilà, cet éditeur ne daignait pas le réimprimer ! C’est cela, l’édition classique. Le pire, c’est que le livre que j’ai toujours chez cet éditeur et qui dort, je ne peux même pas le récupérer. Les contrats sont ainsi faits qu’il faudrait envoyer une lettre recommandée et attendre un an. J’ai donc un livre sur les Stones qui ne me rapporte rien et qui dort chez un éditeur qui ne le réimprime pas (en réalité, j’en ai des tas de livres comme cela !).

Là n’est pas tout. Cet été, j’ai sorti un livre chez un éditeur classique, qui, en dépit des réserves que je lui apportais, a voulu le sortir le 10 juillet 2014. Il a tout de même insisté. Or, l’attaché de presse de cette édition est parti en vacances le 10 juillet et du coup, nous avons eu zéro retombée au niveau presse ! Voilà à quoi cela tient la carrière d’un livre.

J’ai sorti un autre livre chez ce même éditeur à l’ancienne en septembre et à nouveau, il n’obtient aucune retombée presse. Cette fois, la raison est autre : pour la rentrée, cet éditeur lance une centaine de livres en même temps. On peut comprendre que l’attaché de presse ait peu de temps à consacrer au mien… Tout de même, quel gâchis ! Et quelle frustration pour les auteurs qui ont pu bosser durant des mois pour un résultat quasi nul et un livre auquel on ne donne pas vraiment ses chances.

 Ma vie d’auteur indépendant

Pour mes livres auto-édités, je gère la promotion moi-même et cela occasionne parfois des dépenses (pas excessives), mais le résultat est là. Comme on peut le voir sur mon blog, j’obtiens des interviews et des retombées média presque chaque semaine lorsque j’opère en solo sur mes œuvres en auto-édition.

Il existe des outils extraordinaires pour se faire connaître aujourd’hui avec le Web. Google, Facebook, Twitter, Amazon et bien d’autres offrent de tas de solutions et il y en a aussi d’autres, moins connues mais fort efficaces que j’ai dénichées au fil de mes recherches – comme je l’ai dit, cela prend beaucoup de temps. Le souci, c’est que la plupart des éditeurs ignorent ces outils et probablement n’auraient pas l’idée de les utiliser car ils sortent complètement de leur façon d’opérer à l’ancienne.

Un dernier détail : j’ai proposé à l’éditeur précité qu’il me rende les droits numériques afin que je prenne en main la promotion moi-même. Il a refusé. Nous avons donc un livre qui ne se vend pas, qui n’obtient pas de promotion et un éditeur sûr de son fait qui refuse une opportunité qui lui est offerte.

Réveillez-vous, le monde a changé ! 

Voilà donc la situation. D’un côté l’édition classique où généralement, un livre écrit en 2012 sort en 2013 et ne rapporte peut-être des royalties qu’en 2014 avant de dormir, inexploité. De l’autre, l’auto-édition où l’on est maître à bord et où l’on touche des revenus tous les mois car les boîtes comme Amazon ou Google payent rubis sur l’ongle et vendent dans le monde entier.
Donc si j’avais un message à faire passer aux éditeurs, ce serait le suivant : réveillez-vous ! Le monde a changé. La nouvelle génération a pour réflexe le Web, l’iPad, les smartphones, le Kindle… Elle va chercher elle-même l’information. Et quoi qu’on puisse penser, elle achète sur ces médias !

Alors bon, plus cela va, et plus j’ai envie de laisser tomber l’ancien modèle pour favoriser le nouveau. En tout cas, une chose est sûre : si je signe à nouveau un contrat avec un éditeur classique, je conserve l’intégralité des droits numériques…

Daniel Ichbiah

D. Ichbiah interviendra mensuellement sur IDBOOX et délivrera des chroniques et des billets d’humeur sur le livre, le High-Tech et la vie du Web.

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13 COMMENTS

  1. Merci pour cet article très intéressant! Entre parenthèses: je viens de lire avec autant d’intérêt que de plaisir vos passionnants “Rebelles numériques” :-)
    Je partage pour l’essentiel votre analyse. Mais la question suivante me semble: quid de la diffusion? Pour mon dernier livre, j’ai opté pour le service d’édition à la demande d’amazon. Il s’agit d’un livre sur Petit Computer, une application sur console de jeux Nintendo DS, qui permet de programmer soi-même ses propres jeux. Très niche, donc. D’entrée de jeu, j’ai renoncé à le diffuser en librairie, le modèle économique de ce mode de diffusion étant pour moi hors de prix, vu la faible marge que j’ai sur cet ouvrage. Mais du coup, je réalise que plusieurs médias orientés vers les enfants et leurs parents, mon public cible, refusent même de considérer cet ouvrage, rien que parce qu’il n’est vendu que par le grand Satan amazon.

    Et vous, comment gérez-vous la diffusion de vos ouvrages auto-édités? A moins que vous ne limitiez l’auto-édition aux seules versions numériques?

    • Bonjour
      C’est vrai que certains médias refusent encore de considérer les livres numériques. Le mieux est de leur envoyer le livre imprimé. Rien ne montre que le livre en question a été imprimé par Amazon. ;-) Par ailleurs vous pouvez le diffuser aussi sur d’autres librairies, sous forme numérique : Apple Store, Google Play, Fnac Kobo, Nolim de Carrefour et autres…

      • Merci pour votre réponse.
        Etant éditeur de livres numériques à la base, j’ai bien entendu déjà des versions numériques sur amazon et iTunes. C’est la diffusion du livre papier qui est nouvelle pour moi.
        Je suis étonnée d’entendre aussi bien les libraires que les éditeurs se plaindre les uns des autres, chacun trouvant que l’autre partie prend une marge trop importante, ou les uns et les autres se retrouvant pour critiquer à leur tour les marges prises par les distributeurs et autres intermédiaires. Forcément, ceci conduit à se poser la question: la chaîne de diffusion du livre papier n’est-elle pas trop longue? Qu’on aime ou qu’on n’aime pas amazon, force est de constater que, là aussi, ils apportent aux auto-édités une solution efficace, en raccourcissant drastiquement cette chaîne de distribution.

        Désolée si cette discussion sur le livre papier est un peu hors sujet dans une rubrique ebooks, mais votre article portant sur l’auto-édition, il me semble que la problématique du livre papier y a également sa place.

        • Il y aurait long à dire sur le sujet, et moi-même je n’ai mis dans cette chronique que le 10ème de ce que j’avais à raconter sur ce seul sujet. Nous allons avoir beaucoup d’autres chroniques et nous aborderons notamment ce thème qui vous tient à coeur du papier et de la vitesse de diffusion ;-)
          amicalement
          daniel

  2. Voilà une position qui ne manque pas d’intérêt. J’ai largement arpenté les chemins de l’auto-édition, ça ne manque pas d’intérêt. Incontestablement, l’auto-édition prend sa place dans le monde moderne et le prendra de plus en plus. J’ai eu moi aussi mon best-seller, mon journal d’un hacker s’est vendu à plus de 2000 exemplaires sur Itunes et Amazon, rien qu’en ebooks.

    L’auto-édition c’est la liberté, et c’est une part plus importante pour les auteurs. Mais c’est aussi une galère sans nom pour faire la promotion d’un livre, pour être connu, pour être visible. Les espaces qui donnent de la visibilité à l’édition sont encore, et même plus que jamais, tenus par les grands éditeurs.

    Et au fond, je crois que c’est là que le bât blesse. Il ne s’agit pas d’opposer les auto-éditeurs et les éditeurs, c’est comme comparer Messi et Donald Duck sur un terrain de foot, l’un écrase tout, l’autre n’existe pas.

    Le fond du problème, c’est en effet que les éditeurs traditionnels ont du mal à bouleverser leurs machines si bien rodées à cause d’une révolution numérique en cours. C’est d’ailleurs un problème de société qui dépasse largement le cadre de l’édition, même si les conséquences risquent d’être bien plus cuisantes pour les éditeurs que pour d’autres secteurs marchands. Ils sont donc dépassés et réagissent avec maladresse faces aux enjeux de la modernité : le numérique, le piratage, le cadre légal et contractuel, la distribution. Les difficultés rencontrées avec BookInCard ( et même BestInCard) en sont le témoin : rares sont les éditeurs qui ont compris l’intérêt de figurer sur une carte cadeau tournée vers le livre là où tout le milieu du tourisme loisirs s’est gavé durant plusieurs années, et se gave encore, avec les coffrets cadeaux. Quand j’ai créé BookInCard, je voyais déjà des présentoirs de cartes dans les grandes surfaces avec des best-sellers, des sélections thématiques, des sélections découvertes, bref, un produit adapté à la clientèle, lui offrant du choix dans l’intérêt de tous. Mais ce Noêl encore, les cartes ne sont disponibles que sur le Net, et les plus grands éditeurs manquent encore à l’appel, parce qu’ils n’ont pas compris les enjeux de demain, les nouvelles attentes de la clientèle, les nouveaux modèles économiques.

    Le fait est que le marketing a totalement supplanté l’esprit éditorial. trop de place est accordée aujourd’hui aux grands éditeurs par rapport aux petits, trop de place au buzz marketé par rapport à la véritable recherche de talents. Le livre vieillit, et les grands succès de librairie d’aujourd’hui sont soit des effets de com (genre Trierveiler ou mamie porn), soit de la littérature américaine qui débarque à grand coup de budget marketing. Et là, le livre devient juste la référence du fils qui va suivre. Bref, le livre marche mais ses rayons diminuent comme peau de chagrin dans les grandes surfaces, et il faut bien avouer que ce qui y persiste ne donne pas envie. Pourtant, malgré tout, le journal d’un hacker aurait fait un carton auprès d’un public jeune et de plus en plus connecté, si un éditeur en avait voulu. 2000 ex en ebook, moins de 100 en papier, il y a là tout le fossé qui sépare l’auto-édité de l’édité.

    Les éditeurs traditionnels tiennent ce qui manque aux auto-édités, la surface commerciale, les réseaux, le marketing. Les auto-édités ont ce qui manque de plus en plus aux éditeurs, la fraicheur, l’originalité, la connexion avec les attentes du public.

    Il y a donc deux mondes qui se regardent avec méfiance, chacun ne manquant pas de jeter une peau de banane sous les pieds de l’autre, mais ils seront tous deux, dans les années à venir, forcés d’évoluer.

    Et à ce petit jeu, ce sont les auto-édités qui ont des chances de décrocher la timbale. juste parce qu’ils n’ont rien à perdre.

  3. J’ai trouvé l’article intéressant même si je pense que l’édition et l’auto-édition peuvent vivre côte à côte et pas forcément l’un contre l’autre. Merci d’avoir partagé votre expérience, j’ai pris plaisir à lire votre aventure éditoriale.

  4. Nan mais il est complètement à la ramasse le pauvre type ! J’ai jamais lu autant de conneries en un seul texte. Il à le cerveau retourné. En quoi l’édition traditionnelle est morte ??? Elle n’a jamais été aussi bonne depuis des années. Les plus gros succès sont de maisons traditionnelles. Quel que soit le pays. C’est exaspérant des personnes qui sont aussi dingues avec le virtuel. L’autre il est content que tout soit virtuel ? Triste génération ! Mais le pire c’est qu’il est vraiment à l’ouest avec ses propos.

    Et en plus il reviendra avec d’autres billets ?? Super…C’est lui seul qui doit se réveillé. Qu’il sort de son monde du tout virtuel avec ses machines de tablettes, kindle et autres saloperies.
    Et avec ses “livres” qu’il à écrit, ah ça donne vachement envie de les lire, hein…

    • Votre texte m’a fait penser à cette phrase de Emerson
      ‘Ce que vous êtes parle si fort que je n’entends pas ce que vous dites’ ;)

      PS : si vous avez un gramme de courage, Sunlight, nous dévoileriez vous votre vraie identité ?

      • En effet, je pense qu’on nage en plein délire concernant Sunlight. Daniel, j’ai lu toutes vos éditions de la saga des jeux vidéo et justement grace aux versions Kindle vendues à 3,99 euros ! Pensez-bien, si j’avais du payer 20 euros à chaque fois, je n’aurais lu que la première édition !

        J’ai d’ailleurs découvert la première édition via les éditions Vuibert pour lesquelles j’ai un temps travaillé. A noter qu’ils disposaient d’une collection impressionnante de bouquins sur des sujets très spécialisés et qui n’étaient évidemment jamais mis en avant !

        J’ai découvert votre bouquin ainsi que d’autres tout à fait par hasard quand il a fallu s’en débarasser si je ne vous dis pas de bêtises… Quel gachis hein !

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