La passion féroce de la terre, son emprise sur les êtres de chair et de sang de génération en génération, nous la connaissons peu, excepté si nous la vivons nous-mêmes. La littérature nous la transmet le temps d’un récit, incarné ici par la voix de Flor Lurienne : “Une bête au Paradis” (de Cécile Coulon, aux éditions L’Iconoclaste), c’est l’histoire des femmes du Paradis, dévouées à la ferme du même nom, au point que celle-ci devienne forteresse, attirant la convoitise.
Entre ces pages lues avec une émotion contenue et toujours juste, l’audiolecteur rencontre une famille et tous ceux qui gravitent autour de la ferme tenue par Émilienne, qui s’occupe de ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel, depuis la mort de leur parents. Lorsque la comédienne Flor Lurienne raconte les épreuves qu’Émilienne traverse, avec la retenue et la sincérité qu’il sied, le lecteur peut aisément s’imaginer toute la force de caractère et à la dignité de ce personnage. Blanche, sa petite-fille, lui ressemble, et l’interprétation de la comédienne nous donne à voir cette filiation, jusque dans les gestes, et les intonations de voix.
En tant que narratrice, Flor Lurienne nous entraîne dans la vie de Blanche, depuis son enfance jusqu’à ses vieux jours. Ce que Blanche endure n’est en rien comparable avec toute la bestialité de “La terre”, l’un des romans d’Émile Zola. Et pourtant, les échos se font entendre : que ce soit conscient ou non, le choix du prénom Émilienne, ou encore la peinture qui est faite du monde agricole, par ceux qui le font perdurer, s’oubliant eux-mêmes, mais ne vivant qu’à travers lui.
Par le poids des mots et le vécu des personnages, cette audiolecture est dense et intense. C’est d’ailleurs pendant les chamboulements intérieurs des protagonistes qu’une création musicale originale accompagne notre audiolecture. Rien à voir avec les virgules sonores qui scandent les chapitres de certains livres audio, nous sommes ici dans une œuvre devenue polyphonique, où la musique (parfois blues, parfois jazzy) joue son rôle de manière discrète, mais toujours pertinente.
Prix Littéraire Le Monde 2019, “Une bête au Paradis” peut se lire, s’écouter, ou encore s’apprécier à la lumière de deux films réalisés cette même année, et qui nous parlent aussi d’un héritage éreintant et viscéral, celui de la terre : “Mjlok, la guerre du lait”, et “Au nom de la terre”.
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