Amazon a annoncé avoir acheté Goodreads. Ce réseau social littéraire est international. 16 millions de membres et plus de 23 millions de critiques composent cette gigantesque toile. Jeudi, lors de l’annonce de ce rachat, Twitter, Facebook ont engrangé des milliers de commentaires sur cette acquisition. Goodreads déchaîne les passions. Voici quelques témoignages de passionnés de lecture, tous très au fait des enjeux économiques liés aux livres numériques et à la mutation qui s’opère dans cette industrie. (lire nos articles sur GoodReads et Amazon)
Goodreads pourrait perdre son impartialité
Emmanuel Gob, fondateur de LEC Digital Books : « Le rachat de Goodreads, réseau social de lecteurs, par Amazon, commerçant en ligne de tout, me laisse passablement sceptique quant à l’avenir de ce site. Bien que les deux parties se disent contentes et que l’interaction devrait être limitée, comment ne pas soupçonner Amazon de prochainement modifier l’algorithme de mise en avant sur Goodreads ? Certes la simple interaction Goodreads/Amazon est déjà intéressante en soi, mais bien plus pour Amazon que pour Goodreads qui perd de son « impartialité ». En effet, qu’en sera-t-il des livres non disponibles sur Amazon ? Auront-ils toujours leur place sur Goodreads… Seul l’avenir nous le dira, mais voilà un site qui a perdu de sa prestance. »
D’abord septique mais…
Cédric, passionné par tout ce qui concerne le livre numérique : « L’acquisition par Amazon de GoodReads a provoqué scepticisme et défiance: pour beaucoup, c’est une absorption, sous couvert de partenariat, qui ne dit pas son nom. Si on rapproche cela des polémiques sur les faux commentaires de consommateurs, on peut se dire qu’Amazon met la main sur le réseau social de lecteurs qu’il n’a pas pu créer lui-même.
N’est-ce pas aussi un excellent indicateur susceptible d’augmenter l’efficacité de sa plateforme d’autoédition? (profils des lecteurs, tendance du moment, tendances à venir…) Nous verrons… En tout cas, la concurrence verra d’un mauvais œil l’extension de la “chaîne Amazon” et tentera sans doute de réagir assez vite. Pour ma part, d’abord sceptique, je trouve que c’est peut être une bonne nouvelle pour la lecture dite sociale. Elle valide l’idée que les meilleurs prescripteurs de livres pour un lecteur sont finalement…d’autres lecteurs!
On risque de voir les concurrents d’Amazon créer ou peaufiner leurs outils de lecture sociale pour ne pas être en reste! Risque de pléthore d’outils de recommandations pour le lecteur lambda? Beaucoup se tourneront sans doute vers celui intégré à leur appareil de lecture pour aller au plus pratique. C’est certainement le calcul d’Amazon… »
Faire confiance aux conseils des lecteurs
Jean-Philippe Pastor, CEO de Phonereader, grand utilisateur de Goodreads : « Plus que jamais, le rachat de Goodreads par Amazon montre que le livre numérique se fait définitivement « social ».
Les logiques de marché mais aussi les applications de lecture devront tôt ou tard prendre en compte ce bouleversement ! Elles vont proposer de fait des modes de lectures en constantes relations avec les réseaux : à même la lecture des livres par la nature des nouveaux « readers » qui les transforment et font deux des espaces de lecture étendue. Aujourd’hui, il semble que les livres deviennent sans conteste l’un des plus importants objets sociaux diffusés sur Internet.
Dans ce contexte, les applications web et mobiles devraient avoir pour vocation principale d’interagir avec l’ensemble des communautés de lecteurs. Et il ne faudrait pas qu’il n’y ait qu’Amazon pour faire ce travail dans les mois qui viennent…Que ce soit pour le partage et la synchronisation des appareils critiques, la création de Bibliothèques personnelles sur le Cloud, l’utilisation de Dropbox, Dropcanvas, Minus etc., la mise en relation applicative avec de nombreux dictionnaires, thesaurus, sites communautaires (à l’image de Shelfari…) ou bien encore tout simplement avec Wikipédia ! En tant qu’utilisateur, j’attends de cette nouvelle phase dans l’évolution du livre numérique qu’elle nous révèle l’usage inédit d’outils insoupçonnés aujourd’hui. Qu’elle nous fasse découvrir des nouvelles façons de lire, celles qui s’inventent déjà de manière prodigieuse depuis quelques années, nous permettant de faire évoluer intelligemment les logiciels et systèmes de référencement des ouvrages.
D’autre part, l’immense majorité des échanges concernant les e-books s’effectuent désormais sur des supports essentiellement mobiles (smartphones, tablettes, phablets…). De quoi offrir aux développeurs d’applications de nouvelles idées et ouvrir un pan entier d’innovations décisives ! Dans cet esprit, il semble qu’il faut faire davantage confiance aux conseils provenant des lecteurs utilisant leurs propres sources de recommandations à partir de leur support de lecture plutôt que celles provenant des plateformes numériques externes. Ce sont maintenant les utilisateurs eux-mêmes qui s’interrogent, cherchent et permettent d’innover en conséquence. Premiers acteurs de cette évolution, ils sont les plus à même d’analyser la forme que l’écriture et la lecture sont en train d’adopter pour la décennie à venir… »
Ne pas enfermer le lecteur
TheSFReader, lecteur et fan d’ebooks, membre actif des réseaux sociaux: « Je suis très préoccupé par le rachat de GoodReads par Amazon. Je suis absolument certain que ça va apporter du confort et de la simplicité aux utilisateurs des deux services (Kindle et Goodreads), mais justement, ça va attirer encore plus les lecteurs dans cet écosystème déjà très attractif. Un très beau coup de plus d’Amazon, qui continue à apporter aux auteurs et lecteurs ce qu’ils attendent. Mais j’espère qu’ils ne vont pas finir par écraser la compétition (qui c’est vrai ne mérite pas vraiment mieux pour l’instant), au détriment de tous. »
Avis moyennement partagés.
Concernant Feedbooks, ils sont, pour moi, clairement du coté des éditeurs et ne participent pas à une vision globale du secteur du livre, puisqu’ils pratiquent l’exclusion des auto-éditeurs. C’est la plateforme sur laquelle j’ai publié mes premiers écrits, mais si feedbooks vend des livres, il ne permet aux auto-éditeurs que la publication d’ouvrages gratuits. Et comme ils ne répondent pas aux messages qui leurs sont envoyés, je m’interroge sur la réelle transparence de Facebooks. Dis moi comment tu agis, je te dirais qui tu es.
Concernant Amazon, je ne crois pas qu’ils soient du coté des auteurs, disons plutôt qu’ils ne s’en privent pas. La visibilité qu’offre Amazon aux auteurs autoédités est quasi nulle, leur interface est volontairement conçue pour offrir la part belle aux mammouths de l’édition, et les livres auto-édités sont impitoyablement rejetés des classements de type moins de 5€, de 3€, de 2€ ou des mises en avant de nouveautés.
Amazon joue un double jeu, s’attache à fournir aux auteurs un miroir aux alouettes, et joue à fond le jeu de l’édition traditionnelle, nuisant ainsi aux libraires, eux mêmes captifs de ce même système.
Quant aux commentaires, je suis d’accord, c’est capital, et les gens répugnent à le faire, je ne m’explique pas pourquoi. Les diffusons sur les blogs ou réseaux sociaux ne servent pas vraiment le livre, sauf éventuellement à déclencher un acte d’achat. Mais il est clair que l’impact de la notation est prépondérant.
Mon livre le plus vendu bénéficie d’une note de 4,75/5 sur Itunes, avec 52 notes. Durant des mois, ce livre a figuré dans le classement “recommandé par les lecteurs”, ce qui a généré un volume de ventes assez stupéfiant. Si une telle transparence existait ailleurs, le livre aurait été encore mieux vendu. A titre de comparaison, sur Google Play, il ne figure même pas dans les classements thématiques, il faut cherche le nom du livre ou de l’auteur pour acheter le livre. En terme d’exposition, difficile de faire pire. A présent, Itunes est rentré dans le rang, mon livre ne figure plus dans ces classements, et je gage qu’aucun ouvrage auto-édité n’y figure désormais.
En résumé, il est logique qu’Amazon cherche à s’attribuer les réseaux sociaux basés sur le livre, cela permet de mieux contrôler son marché, voire de le censurer. Tout ceci ne me dis rien de bon sur l’évolution du marché du livre.
Ylian Estevez
Net is a free nation
Plutôt que s’emparer ou créer un réseau de lecture, il existe des solutions plus respectueuses des lecteurs.
Feedbooks propose une la veille de blogosphère littéraire mondiale de Feedbooks
http://blog.feedbooks.com/fr/index.php/2013/03/19/la-blogosphere-mondiale-sous-la-loupe-des-libraires-de-feedbooks/
Ce qui me fascine, dans ce phénomène, c’est que beaucoup de mes amis refusent de mettre un commentaire sur un livre qu’ils ont lu sur Amazon ou sur un autre site marchand. Amazon cristallise la plupart des refus – on lutte avec courage et abnégation contre le commercial tentaculaire, en oubliant qu’Amazon se situe résolument du côté des auteurs qu’ils aident à s’autoproduire (avec des arrières pensées mercantiles, on est d’accord, mais que dire des éditeurs traditionnels ?). Ces mêmes amis critiqueront des livres sur leur blog, ou sur Goodread (là, on est dans la démarche culturelle pure et gratuite, donc respectable), mais ne feront jamais copier/coller de leur critique ailleurs.
Le problème, et je le constate tous les jours, c’est que les critiques et commentaires associés à un livre ne servent vraiment que s’ils sont disponibles au moment de l’achat…