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Un éditeur se meurt : Lettre au Président de la République

Nathalie Bretzner livres numeriques IDBOOXOn parle beaucoup des difficultés économiques des libraires mais beaucoup moins des problèmes que rencontrent les éditeurs. Des aides sont annoncées pour les libraires mais quid des éditeurs indépendants détachés des grands groupes qui ont tout autant de problématiques ?  La globalité de la chaine du livre souffre aujourd’hui et ce n’est pas la faute aux livres numériques comme certains voudraient le penser.

Nathalie Bretzner  est la fondatrice des Editions Clea, elle est aussi à l’origine de la première édition du Salon Le Futur du Livre de Chenôve qui a eu lieu au mois d’avril.
Dynamique et déterminée elle se bat depuis des années pour faire vivre sa Maison. Et pourtant, des difficultés financières vont à priori la contraindre à abandonner sa belle Maison d’édition.

Pour autant, N. Bretzner essaye de tenir bon : « Je suis lessivée, désabusée, perturbée […] Je dois trouver 7.000 euros pour passer de l’édition papier à l’édition numérique. Jean-François Gayrard (fondateur de NumeriKLivres), croit en moi, il trouve que l’initiative Futur du livre a été une belle réalisation et qu’elle arrive au bon moment. Il digitalisera une partie de mon catalogue gracieusement et le mettra en ligne. Je dois m’occuper du site, de la communication, etc…. et assainir les vacheries du banquier. » nous a assuré l’éditrice.

Alors, elle jette une bouteille à la mer et adresse une lettre au Président de la République dans laquelle elle lance un SOS.
Nous avons choisi de publier cette lettre dans son intégralité, en soutien aux Editions Clea et car au-delà de Clea, il y a aujourd’hui, en France des éditeurs qui se meurent.

 

“Monsieur le Président de la République,

Si je me permets de vous écrire c’est que ma fin est proche.

Créatrice et directrice d’une maison d’édition régionale, je n’ai jamais été aidée par les institutions… J’ai fait avec et pendant 25 ans j’ai tenue.

Depuis plus d’un an, j’ai compris que je ne pourrai pas continuer à être une éditrice traditionnelle. Dans cette optique j’ai pensé, créé, organisé Le Futur du Livre avec quelques passionnés, premier salon du livre numérique et du livre papier. Là non plus aucune aide des institutions dédiées à la culture.

Ce courriel n’est pas une plainte, j’aimerai vous faire constater la difficulté d’avoir une entreprise culturelle en France, vous montrer à quel point les projets ne sont pas aidés… Bien sûr un plan a été mené par madame le Ministre de la culture, plan de plusieurs millions mais celui-ci s’adresse aux libraires en particulier et aux grandes entreprises du livre en général sans chercher à voir les vraies possibilités du numérique ou les vraies suites à donner aux papiers.

Monsieur le Président de la République, à la fin de cette semaine je ne sais pas si je pourrais continuer à exercer ma profession mais je sais que sans aucune aide je ne pourrai pas lancer une structure de réflexion sur le livre numérique qui est pourtant essentielle. C’est pourquoi, Monsieur le Président de la République, je m’adresse à vous pour solliciter des audiences auprès de vos ministres (qu’il est impossible de contacter), de vous demander d’écouter quelqu’un qui depuis 25 ans connait les réalités liées aux livres et aux petites structures.

Si ce courriel est vain j’en serais désolée mais qui ne tente à rien n’a rien dit l’adage. Veuillez croire Monsieur le Président de la République à l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Nathalie Bretzner,
fondatrice des Éditions Clea
et du Futur du livre”

8 COMMENTS

  1. Le livre se vend mal. Je ne dis pas pour autant que le marché du livre va mal, non. Je dis que les réseaux de distribution, le marketing et les médias ont créé un effet de siphon qui donne trop à peu à presque rien à tous les autres.

    De temps en temps, on nous ressort quelques mythes, l’auteur inconnu qui séduit un gros éditeur et fait un carton, l’autre qui devient célèbre sur Amazon, etc.

    Pourquoi ? A qui profite le crime ? Je l’ignore. Mais la réalité est que les auteurs même de talent ne parviennent plus à sortir du lot, parce que le système est consanguin, et que ce n’est pas le talent littéraire ou l’originalité qui fait vendre, mais le buzz.

    Et pour les éditeurs, le constat est le même. rien de commun entre les grosses machines qui abreuvent sans cesse les libraires au comptoir et les éditeurs qui tentent d’exister, comme leurs auteurs, dans une mécanique totalement implacable. Les livres sen vendent, mais les relations malsaines entre les grands éditeurs, la presse, et le système de vente des librairies ne laisse aucune place à l’innovation, la créativité, la différence.

    Il est urgent de réinventer une édition, une place pour la création littéraire, de changer les modèles et les équilibres.

    Car il y a de moins en moins de richesse dans l’édition, comme la langue, la création littéraire française s’appauvrit jour après jour, imperceptiblement, et qu’un jour, le réveil sera douloureux.

    Nous sommes la patrie de Flaubert, Rimbaud, Hugo, Zola, Balzac, Maupassant. Trop de livres sortent dont a médiocrité est cachée par des Ferrari ou D’Ormesson, trop de talents sont ignorés.

    La visibilité des œuvres littéraires est trop inégale, la critique, l’analyse et la médiatisation ont, depuis trop longtemps, perdu leur liberté et leur objectivité.

    Aujourd’hui, après 5 romans et aucun éditeur trouvé malgré des sujets pourtant très actuels, je me pose bien des questions sur mon avenir d’auteur. Je continuerai à écrire, certes, mais mes deux derniers livres, je ne les ai pas soumis au verdict d’éditeurs. Ils existent pour mes fans, et tant mieux, mais je n’attend plus grand chose de ce système.

    La mort d’un libraire ou la mort d’un éditeur, c’est une tragédie, l’exception culturelle française semble avoir oublié la création littéraire.

    Je salue le courage de ceux qui se battent pour faire survivre leur art devant une telle adversité. Je les salue sincèrement, bien bas.

    Ylian Estevez
    net is a free nation

  2. Je comprends bien qu’avoir le texte au format numérique ne suffise pas, il y a tout un travail de remise en page et de passage dans un format spécifique à faire, qui a un coût.
    En fait je voulais mettre l’accent sur le manque de précisions du terme “digitalisation” qui inclut parfois la partie scan + OCR, mais surtout l’adaptation du format. C’est la valeur ajoutée des éditions numériques que de produire un livre lisible sur toutes les liseuses sans aucune perte. Sans quoi, on ferait appel à Google Read et autres “services” qui ne donnent que des pdf contenant des images. Ou un mauvais word converti à la va-vite en html ou pdf.

    Il serait sûrement intéressant de faire un article sur tout le travail de digitalisation, ou plutôt de création de l’epub, afin que le grand public (moi y-compris, je ne suis qu’un lecteur averti) comprenne le coût et la difficulté de réalisation.

  3. Une chose que je ne comprends pas, c’est cette histoire de digitalisation. L’éditeur (de manière générale) n’a pas l’oeuvre au format numérique ?
    Il y a bien un moment entre lorsque le livre commence à être écrit et celui où il est imprimé où ce format existe, non ?

    Quoi qu’il en soit, il faut soutenir les éditeurs qui font la démarche de s’orienter vers l’ebook, et même soutenir tous les petits éditeurs qui permettent à la diversité littéraire d’exister.

    • Bonjour,
      Oui effectivement les éditeurs ont des fichiers imprimeurs mais cea ne suffit pas pour les proposer au format ebook ePub . Merci pour votre message

  4. Les actions que Nathalie Bretzner a réalisé depuis un quart de siècle pour le livre et la lecture doivent être reconnues et non pas broyées et jetées dans l’impasse de l’oubli…hélas dans de nombreux domaines…des déceptions de ce genre …J’espère fermement que Nathalie trouvera une solution aux problèmes rencontrés …si je peux apporter une aide ou un soutien, je le ferai.

  5. Merci beacoup pour vos deux commentaires.

    L’idée de souscription est une très bonne idée, pouvez prendre directement contact avec moi ?

    Merci beaucoup.

  6. Je suis de tout coeur avec Nathalie.

    Par ailleurs, la démarche de passer l’ensemble de son catalogue en numérique est à mon sens une bonne stratégie pour les petites et moyennes maisons d’édition qui sont rarement diffusées et distribuées dans la chaine du livre traditionnelle.

    Il est dommage aussi qu’un libraire local ne soit pas venu en soutien. En effet, aucun ne s’est déplacé pour le Futur du livre par exemple.

    Ces métiers ont plus besoin de solidarité que de défiance et de méfiance.

    Bravo à vous Elisabeth et à Jean-François pour ces initiatives que je ne manquerai pas de partager.

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