L’autoédition a le vent en poupe. Des centaines d’auteurs franchissent le pas et osent se publier grâce aux outils numériques et à la possibilité de proposer des livres au format numérique.
Ces auteurs se professionnalisent, ils sont des auteurs-entrepreneurs et prennent en main le destin des leurs livres !
Nouveau signe fort, les auteurs se regroupent et créent le Cercle des auteurs indépendants.
Patrick Ferrer est l’un des nouveaux auteurs qui ont récemment percé dans le domaine de l’auto-édition. En mai 2015, il a décidé de créer, avec quelques amis, un collectif d’auteurs indépendants. Nous l’avons rencontré lors de la soirée anniversaire de Kindle Direct Publishing pour en parler.
Tout d’abord, pourquoi avez-vous choisi le terme « indépendants » et non pas « auto-édités » ?
Le terme « auto-édité » est très réducteur. Un auteur qui décide d’évoluer en dehors des circuits d’édition traditionnelle mérite, à mon avis et d’expérience, le même respect que l’on accorde par exemple aux cinéastes indépendants.
C’est une activité qui dépasse de loin la simple édition car l’auteur indépendant porte non seulement toutes les casquettes de cette activité, depuis l’écriture pure jusqu’à la fonction comptable en passant par la distribution, le marketing, les corrections, les relations de presse et j’en passe, mais il est parfois amené à travailler avec des éditeurs classiques.
Certains d’entre nous sont hybrides, c’est-à-dire qu’ils publient certains titres ou formats ou traductions avec des maisons d’édition tout en poursuivant une activité d’auto-édition. C’est d’ailleurs une formule qui va se développer dans le futur car elle permet à l’auteur de négocier sur un pied d’égalité et de pouvoir subvenir à ses besoins grâce à l’auto-édition numérique tout en ayant ses ouvrages en librairie à travers les canaux conventionnels. Quand on sait que le salaire moyen d’un auteur affilié à la SDGL (qui n’accepte pas les indés) varie entre 5000 et 8000 euros par an, l’indépendance est un excellent moyen de joindre les deux bouts.
Parlez-nous de la genèse de ce collectif. Comment vous est venue l’idée ?
J’ai moi-même découvert l’auto-édition par l’intermédiaire et avec l’aide de deux pionniers, Jean-Philippe Touzeau qui a mis en ligne gratuitement une série de 21 vidéos sur « Comment faire le marketing de vos ebooks » et Jacques Vandroux à travers ses articles de blog et son excellent manuel « Comment grimper dans le top 100 ».
Sans eux, je n’aurais jamais eu le courage ni les connaissances préalables pour me lancer dans cette aventure. Et lorsque j’ai franchi le pas, j’ai découvert une entraide et une solidarité entre auteurs indés qui, à ma connaissance, n’existe pas dans le milieu des auteurs traditionnels.
Ayant travaillé une vingtaine d’années dans l’édition avant de me lancer dans une carrière d’auteur, j’en ai une certaine expérience. Le fait est qu’un auteur indé n’a pas le soutien d’une maison d’édition et, si l’on regarde bien, il travaille en solitaire et sans aide extérieure. Les lecteurs, bien évidemment, sont un soutien extraordinaire mais ce ne sont pas les gens avec lesquels vous pourrez aborder les préoccupations professionnelles, voire personnelles que vous rencontrerez quotidiennement. Comment déclarer mes revenus ? Comment construire ma liste d’abonnés ? Qu’est-ce qui cloche dans ma quatrième de couverture ? Puis-je faire confiance à tel éditeur qui vient de me contacter ?
Pour cette raison, le besoin d’échange et d’entraide est très important pour un indépendant. Maintenant, étant donné que nous sommes en quelque sorte des compétiteurs, cela peut aller dans deux directions : travailler tous ensemble pour soutenir l’autoédition, ou se retrancher chacun dans son coin en tirant sur tout ce qui bouge comme nous le suggèrent quotidiennement les médias d’actualité. Le risque d’une « guerre des indés » est réel, comme c’est arrivé dans d’autres pays. C’est pour cela que j’ai décidé, avec une poignée d’amis auteurs, de créer ce collectif d’indépendants.
Justement, ce Cercle des Indés, ça marche comment ? Que faites-vous concrètement ?
Concrètement, nous agissons en permanence pour promouvoir l’entraide entre auteurs, partager les bons plans, prodiguer des conseils pratiques.
C’est avant tout du partage d’expérience. Nous faisons cela à travers différents groupes sur les réseaux sociaux, à travers des blogs, des tribunes sur des sites de lecture, nos propres réseaux, etc. Ça fait une énorme différence pour les nouveaux arrivants d’être immédiatement accueillis et orientés et d’avoir des groupes et des blogs qui mettent tous les outils à leur disposition, pour la plupart gratuitement.
Cela crée une atmosphère de camaraderie et de confiance qui soude la communauté. Très rapidement, l’échange s’établit, les anciens « newbies » devenant à leur tour des sources de soutien et de conseils pour les nouveaux dès qu’ils ont acquis une certaine expérience, etc. D’où, peut-être, le nom de Cercle puisque c’est une initiative qui se veut auto-reproductrice. Ça fonctionne très bien et, en fait, tout le monde en bénéficie.
La vérité est que nous ne sommes pas concurrents et que chaque nouvel auteur que nous soutenons et qui réussit fait avancer notre cause. L’auto-édition n’en est encore qu’à ses balbutiements et, sous certains aspects, est en butte à des critiques continuelles que ce soit dans la presse généraliste ou de la part des maisons d’édition, ce qui est dommage car c’est un vivier de nouveaux talents qui pourraient justement raviver l’intérêt des lecteurs, faire avancer la culture littéraire et bénéficier au marché du livre.
Mais cette situation est en train d’évoluer. De plus en plus d’éditeurs s’intéressent au travail des indés, la presse commence à changer de discours. Faire en sorte que les indés connaissent les ficelles et les pièges du métier et produisent du travail de qualité est un élément important pour la réussite et la reconnaissance publique de toute l’activité.
Vaste programme ! Il y a-t-il une démarche particulière pour rejoindre votre cercle ?
Tout auteur indépendant fait partie du Cercle à partir du moment où il adhère au principe fondamental d’entraide et d’échange, comme énoncé dans les différents groupes publics que nous animons. Certains auteurs préfèrent se débrouiller tout seuls dans leur coin et c’est tout à fait compréhensible, mais nous avons fait le choix du partage, de rendre aux autres en quelque sorte les faveurs qui nous ont été faites, que ce soit par la chance ou par le travail. C’est en cela que nous nous reconnaissons.
Ceci dit, la structure centrale du Cercle consiste en une trentaine d’auteurs indépendants de tous bords, certains très connus, d’autres débutants, des auteurs hybrides comme des spécialistes en Marketing, et la cooptation se fait en fonction de l’activité de la personne au niveau du partage et du soutien qu’ils apportent à d’autres auteurs auto-édités, que ce soit sur les réseaux sociaux, leur blog, etc.
Quand nous repérons une personne très active, nous lui offrons de partager nos outils, nos tribunes, nos blogs afin d’amplifier en quelque sorte le travail de cette personne. Ce n’est pas une structure fixe à proprement parler, les gens vont et viennent, certains de nos membres sont aspirés par leur carrière professionnelle et disparaissent, d’autres les remplacent.
En tant qu’animateur du groupe, j’essaie de garder une cohérence et de ne pas dépasser un certain nombre de membres actifs pour que ça reste gérable mais, à partir du Cercle, nous fédérons plusieurs groupes réunissant des milliers d’auteurs indés qui échangent quotidiennement sans qu’une structure particulière soit nécessaire. Le Cercle, c’est un peu le moyeu d’une roue qui ne cesse de grandir. Et qui, nous l’espérons, conduira l’édition indépendante vers de nouveaux horizons.
Merci beaucoup pour avoir répondu à nos questions. Nous ne pouvons que souhaiter que cet esprit de camaraderie et d’entraide puisse continuer et aider l’auto-édition à acquérir ses lettres de noblesse. Une dernière chose, avez-vous un conseil particulier à donner à un auteur qui voudrait se lancer ?
Nous avons publié sur différentes plateformes un article intitulé « Les six conseils à l’auteur indépendant » qui est issu de notre expérience commune et que vous pourrez sans doute dénicher, et vous avez les excellents séminaires pratiques que j’ai cité plus haut ainsi que d’autres ouvrages très utiles sur le sujet.
Sinon, je dirais que le plus important est de vous efforcer d’être le plus professionnel possible dans votre écriture et votre communication.
Je sais qu’être auto-édité requiert de porter énormément de casquettes différentes mais ce qui vous fera le plus de tort est probablement de ne pas soigner votre présentation, votre orthographe et la qualité de votre communication. Pour un écrivain, c’est fatal. La chance joue sa part pour vous permettre de percer mais si vous désirez réussir à long terme, vous devez soigner votre communication.
Note biographique : Patrick Ferrer s’est lancé dans l’auto-édition il y a un peu moins de deux ans. Depuis, il a publié quatre romans noirs dont sa trilogie, « Le baiser de Pandore » a été sélectionnée pour le Prix Amazon 2015. Il écrit également de la SF et du Fantastique et a été publié dans divers magazines et recueils de nouvelles.