Guillaume Decitre patron des librairies du même nom lance avec Valérie Heppe-Collin et Éric
Daspet, TEA, une plateforme web open source pour vendre des ebooks autrement.
Dans l’approche de ce projet qui voit le jour aujourd’hui, il y a certes l’envie de concurrencer des géants du livre numérique comme Apple ou Amazon, mais pas uniquement.
TEA (The Ebook Alternative) est un concept à part entière. La plateforme peut se plugger sur n’importe quelle web librairie et son objectif est de satisfaire le plus grand nombre : auteurs, éditeurs, distributeurs, lecteurs.
Un manifeste a d’ailleurs été rédigé par les fondateurs : Accéder à l’offre la plus large, lire
sur n’importe quel support, choisir sa librairie, garantir la pérennité de sa bibliothèque, lire comme on l’entend et développer de nouveaux usages.
Pourquoi lancer TEA ?
En tant que président des librairies Decitre je me devais de proposer à mes clients une offre de livres numériques. Avec mes partenaires nous nous sommes rendu compte que la plupart des solutions étaient propriétaires, nous voulions une solution ouverte. Le modèle Open Source nous est apparu comme étant la seule solution alternative possible.
Autre raison, qui peut paraitre anecdotique, quand je suis rentré d’un long séjour aux Etats-Unis j’ai dû abandonner mon compte iTunes US et j’ai perdu tous mes contenus achetés, c’était vraiment intolérable. Dans le monde du livre papier on a une liberté. Avec le numérique, si on ne prend pas garde, on peut être vite dans la contrainte, dans l’enfermement.
Cette vision a été partagée par tous nos partenaires. Nous avons voulu une multiplicité de partenaires : des libraires avec Decitre et Cultura, des gens connaissant bien la technologie Open Source comme Smile et d’autres comme RueduCommerce qui est un des plus grands sites de eCommerce en France. Aujourd’hui, on voit souvent émerger des projets avec des gens qui connaissent bien la techno mais pas le livre ou le contraire des libraires qui ne connaissent pas la techno mais bien le livre. Ces partenaires permettent justement d’éviter cet état de fait.
Quels sont vos objectifs commerciaux ?
Pour le moment nous n’avons pas d’objectifs de vente. Nous voulons d’abord que les clients soient contents et qu’ils s’approprient notre solution et notre écosystème, qu’ils en parlent autour d’eux afin que TEA s’installe.
Les perspectives dépendent de paramètres qu’on ne maitrise pas : la taille du catalogue, le prix des ebooks et l’appétence des gens à lire en numérique. Si notre projet décolle vite tant mieux sinon nous continuerons à financer, nous sommes tranquilles de ce côté-là pour deux ans au moins.
Nous avons investi 2 millions d’euros pour le montage de plateforme sans compter les coûts supplémentaires, la formation des libraires, la communication, la promotion, la maintenance etc. Nous sommes également aidés par une subvention de 100 000 euros du CNL.
Nous avons également une volonté d’expansion à l’international. Depuis l’annonce du lancement en mars, nous avons été contactés par plusieurs acteurs à l’international et nous sommes en discussion, je ne peux vous révéler de qui il s’agit pour le moment.
Notre objectif est de construire un véritable écosystème qui a des impacts culturels et commerciaux.
Pour vous, les livres numériques sont-ils trop chers ?
La notion de prix est importante. Aux Etats-Unis il y a une forte élasticité dans les politiques tarifaires Ici c’est différent, pour nous libraires, il est difficile d’expliquer à un client pourquoi il y a si peu de différence entre le prix d’une livre numérique et le prix d’un livre papier. J’aurais tendance à dire que nous allons assister à une évolution des prix en numérique sachant que le marché est en train d’évoluer. Le marché et la demande vont faire leur effet.
Et puis c’est assez simple, si certains ont une politique de prix agressive ils vendront plus que d’autres. Les nouveaux acteurs, pur player comme Story Lab ont vraiment une carte à jouer pour prendre des parts de marché dans le paysage du livre numérique, ils ont une politique de prix basse ce qui leur permet de faire du volume. Mais l’essentiel est d’avoir une offre éditoriale de qualité. On voit avec l’exemple de Bragelonne que lorsque le prix des livres est étudié les gens sont prêts à acheter ce qui est plutôt une bonne nouvelle !
De mon côté, je fais confiance aux éditeurs pour qu’ils augmentent la taille des catalogues afin de ne pas faire le jeu du piratage et qu’ils réfléchissent aux tarifs. Il y a certes l’importance d’un fonds mais quand on voit l’impact sur les ventes numériques de certains éditeurs on voit que l’élasticité est forte.
Au niveau commercial, on peut se permettre beaucoup plus de choses avec les ebooks, c’est plus dynamique ! On peut changer un prix toutes les 3 heures si l’éditeur le décide et influer sur le pricing.
Que pensez-vous du projet MO3T ? (lire notre article sur le sujet)
Ce qui est intéressant c’est qu’ils partagent une volonté d’ouverture mais nos plannings ne sont pas les mêmes pour nous il faut être opérationnel très vite. Donc le jour où ce projet sera sur le marché on espère interopérer avec eux. Pour le moment, ce sont des déclarations d’intention. Le projet verra le jour fin 2013 et l’on sait que dans la techno 2 ans équivalent à 20 ans, nous verrons donc au moment venu !
Qui sont vos concurrents ?
Amazon, Apple et Kobo sont les concurrents les plus sérieux. Evidemment nous regardons ce que tout le monde fait. Aux USA Kobo et Google sont inexistants, à date, ils n’ont pas de part de marché, en France on verra. Barnes & Noble arrivera peut être dans l’hexagone, il faudra regarder un concurrent de plus !
Que faire, selon vous, en France pour que le marché du ebook décolle ?
La bonne nouvelle c’est que le taux d’équipement en liseuses et tablettes augmente de façon considérable. Ces supports sont en train d’être adoptés même si la montée en puissante du catalogue n’est pas assez significative.
Aux Etats-Unis le prix des ebooks a été le déclencheur pour faire grandir le marché. Ici ce n’est pas vraiment le cas, alors notre rôle devra notamment expliquer aux clients comment ça marche afin qu’ils adoptent au fur et à mesure le format numérique.