Actualité oblige nous publions la tribune libre de Nicolas C. Lecteur Geek – « Joie et surprise » ce jeudi 31 octobre 2013 d’une grande chaîne nationale de télévision comme France 2, consacrer une partie de son émission Envoyé Spécial à la lecture numérique.
« Bonheur et félicité » d’un tel événement lorsque l’on connait la place réservée au monde de la lecture et de la littérature dans les médias d’aujourd’hui ; et que dire de la lecture numérique !
« Angoisse et stupeur » en voyant que le reportage n’arrivait toutefois qu’en fin d’émission sous le titre dramatique : « Librairies : entre sursis et survie ».
Nos petites librairies de quartier ferment les unes après les autres… A qui la faute ? De moins en moins de lecteurs ? Certainement pas, car imaginer la disparition de la lecture me semble digne d’un roman de science-fiction.
Mais souvenons-nous : le « livre de poche » ne devait-il pas déjà tuer le livre « classique ». Il y a quelques années, on condamnait aussi le livre audio comme un futur assassin présumé du bon vieux bouquin. Le livre audio n’a tué ni le papier ni les auteurs, et c’est au contraire un nouveau moyen de (re)découvrir la lecture pour de nombreuses personnes malvoyantes par exemple. C’est encore une possibilité de croiser des auteurs et des oeuvres pour des personnes passant du temps dans les transports – j’ai même essayé une fois dans une salle de sport !
Alors cette disparition annoncée des libraires, à qui la faute?
La vente par correspondance sur internet : le fossoyeur des librairies ?
A l’heure des débats sur la taxation des produits culturels et l’éventuelle obligation de payer les frais de port lorsque l’on commande des livres sur internet, la vente par correspondance semble être le suspect idéal. De grandes entreprises de distribution de produits culturels sont sur la sellette, une en particulier… Mais oui, vous savez bien, cette grande entreprise de VPC américaine, qui cible les produits culturels et qui installe un entrepôt gigantesque dans le Nord de la France. Vous ne voyez toujours pas ? Cette entreprise au nom qui m’évoque encore mes lectures de jeunesse traitant d’une société de guerrières à cheval… Amazon, voilà qui serait le (ou la) coupable parmi bien d’autres !
Je me souviens pourtant dans mon enfance, du salon de ma grand-mère, dans lequel trônaient deux gros catalogues de vente par correspondance. Dans ces « annuaires de la consommation » on trouvait absolument tout… Avec ma sœur il nous arrivait même de rêver devant cette « caverne d’Ali Baba » sur papier glacé. Je ne me souviens pourtant pas, à l’époque, d’avoir entendu parler de petits commerçants criant au scandale et pleurant sur leur avenir. Il faut dire que j’étais encore petit, et je ne me souciais pas des malheurs des Grands. Nous vivions aussi dans une autre ère, celle que l’on n’appelait pas encore « l’ère du tout numérique ».
Alors oui, je défends de tout mon cœur ces petites librairies dans lesquelles je trouve un conseil personnalisé. Ces petites librairies de quartier parfois même spécialisées et dans lesquelles l’accueil est toujours chaleureux. Ces petites librairies où ma mère, qui déteste le monde d’internet, trouve toujours son bonheur. Mais voilà, je suis un trentenaire, je vis avec mon temps et j’aime la complémentarité entre l’achat rapide, voire impulsif, sur internet et la flânerie en librairie. Oui, j’apprécie le côté rapide de la commande du livre qui arrive directement à mon domicile. Mais on ne m’enlèvera jamais le plaisir d’un samedi après-midi dans la librairie du centre-ville. Ce moment où vous partez avec un billet dans votre poche en étant certain de vous limiter dans vos achats. Et cet instant où – arrivé à la caisse – vous dites :
« Est-ce que vous prenez la carte bleue ? ». Parce que vous avez dépassé votre budget en suivant les conseils avisés de votre libraire adoré(e).
Non, ma charmante libraire n’est pas en compétition avec la froideur de mon site de VPC préféré. Les deux sont pour moi complémentaires.
Brûlez ces liseuses et autres tablettes !
Les tablettes et les liseuses tuent le livre ! Voilà une nouvelle supposition très à la mode. Pourtant je suis un consommateur de livres électroniques et je continue à acheter du livre sur papier. Serais-je schizophrène ? Je ne crois pas…
Comme tous les lecteurs, j’aime les livres. Il m’arrive très souvent d’acheter un livre numérique et de le trouver tellement bien que je décide de l’acheter en version papier, et avec le temps, de l’effacer de ma tablette. Inversement, il m’arrive d’acheter un livre en librairie et décider par la suite de l’acheter en version numérique, pour pouvoir le lire ou le finir plus facilement sans avoir besoin de charger ma valise de volumineux pavés. En revanche dans ce cas là, je ne jette jamais mon livre à la poubelle. Il trouve sa place dans ma bibliothèque, au milieu de ses congénères de papiers. Honnêtement, vous n’avez jamais fait ça ? Alors pouvons-nous vraiment affirmer que le livre numérique deviendra le fossoyeur du livre papier et que nous, lecteurs numériques, nous participons à ce massacre ?
Le livre numérique pourrait presque être considéré comme un produit consommable et jetable. Mais jamais je n’ai croisé un amoureux du livre considéré le livre papier ainsi. Je suis professeur dans un petit collège de province, je reçois chaque année des livres de différents éditeurs. Je ne sais même plus quoi en faire ! Mais jamais je ne suis parvenu à en jeter un seul, parce que je les aime tous.
Les lecteurs numériques ne doivent pas être montrés du doigt comme des « Juda »
Je viens de lire – dans la version numérique (pardonnez-moi ou châtiez-moi…) de la sérieuse revue Challenge, qu’un célèbre distributeur de médias allait mettre à disposition pour tout achat d’un CD, la version numérique de l’album à ses clients.
Et si le remède pour le livre se trouvait dans cette issue apportée au monde de la musique ? Permettre à tout moment au lecteur de lire sur le support qu’il souhaite. Après tout, c’est déjà ce que font de nombreux journaux de la presse écrite. Vous êtes abonnés au journal en question, vous le recevez dans sa version papier et vous pouvez le consulter en version numérique sur votre tablette. Il faut donc souhaiter, pour ne pas tuer le livre et les éditeurs, ne pas réduire le nombre de librairies à une peau de chagrin, proposer aux lecteurs une variété du mode de lecture sans ne pénaliser personne. Faire que l’édition et la distribution fusionnent le papier et le numérique lors de l’achat. Vous achetez un livre, vous pouvez aussi l’avoir gratuitement dans sa version numérique.
Les lecteurs numériques ne doivent pas être montrés du doigt comme des « Juda ». Nous ne voulons pas la mort du papier et encore moins celle des libraires. Nous voulons juste pouvoir lire nos livres comme bon nous semble.
Une chose est sûre, ma bibliothèque papier continue et continuera à s ‘alimenter. Elle se trouve dans une forme resplendissante et je ne compte pas l’abandonner. Elle vieillit d’ailleurs bien mieux que mon pauvre iPad, qui lui est en fin de vie et devra être renouvelé après quatre ans de bons et loyaux services. Et je peux vous dire que c’est ma vieille édition du XIXème siècle des œuvres de Molière qui doit bien rigoler !
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Les combats de chapelles sont ennuyeux, surtout lorsqu’ils éludent soigneusement les véritables problèmes. Il en est ainsi du combat “sauver les libraires !”.
Ce qui cause la mort des libraires, ce n’est ni Amazon, ni le livre électronique, mais la différence de taille entre les géants de l’édition et les libraires. Le mode de distribution actuel fait des libraires les esclaves des éditeurs, lesquels peuvent diffuser à l’envi des nouveautés et laisser de moins en moins de possibilités à une profession pour s’exprimer et se différencier. Le libraire souffre de l’uniformité, on trouve chez lui la plupart du temps la même chose que chez carrefour, et puis des livres de poches. Point.
Je me suis déjà exprimé souvent sur ce sujet, en tant qu’auto-éditeur. Le libraire de 2013 n’a plus la latitude pour aller chercher de l’originalité dans le foisonnement littéraire actuel. Alors, il est en concurrence directe avec tous les autres canaux de vente, forcément mieux achalandés que lui, et il en souffre.
Dans une émission de télévision sur France 5 il y a quelques semaines, un libraire bien connu des Champs Elysées tentait d’incarner la colère de sa profession. Mais au final, une fois que l’on s’est moqué du lecteur moderne qui passe sa vie sur un écran, et que l’on a pleuré la pauvreté de la création littéraire française, que reste t-il ? Des clients qui n’iront pas dans une librairie commander le livre qu’il peuvent commander chez Amazon, et qui n’entreront pas dans les librairies parce qu’à quelques rares exceptions, il y trouveront la même chose que chez carrefour, le parking en moins.
Le livre est un achat de cœur, d’impulsion comme on dit dans le jargon marketing. Ce qui tue le libraire, c’est le manque d’originalité. Quand on verra dans les vitrines un “journal d’un hacker”, introuvable ailleurs, plutôt que le dernier Astérix, immanquable ailleurs, on verra revenir chez le libraire une clientèle qui, comme moi, en a assez d’aller en ville, de trouver de la place, de marcher parfois longtemps, puis de rentrer dans une librairie pour y découvrir des tables entières de livres qui sont les mêmes que sur les tables du supermarché.
Lorsque dans les années 1970, la grande distribution a commencé à vendre du pain, les boulangers ont cru à la mort de leur profession. Mais c’est l’originalité, la qualité, la diversité qui les a sauvé.
Et ce qui tue l’originalité du libraire, c’est qu’il ne peut rien faire contre ces tables de “best sellers”, elles lui sont imposées par la distribution des livres, bien plus puissante que lui.
Le maraîcher se plaint sans cesse de son maigre poids face à la force gigantesque de la grande distribution. Dans l’édition, c’est l’inverse. Et pas possible de faire des opérations des promos, la loi sur le prix unique du livre l’en empêche.
Quant au livre numérique, qui a tout pour devenir le bouc émissaire d’une profession qui souffre, il n’est pas l’ennemi du libraire. Le projet BooKInCard, par exemple, en fait la démonstration. Avec un peu d’imagination, on peut donner au livre électronique un support commercialisable simplement par le libraire, sans lui demander de faire sa révolution, attrayant et moderne.
Preuve s’il en est, que c’est l’originalité qui sauvera le libraire, pas la lutte perdue d’avance contre le sens de l’histoire.
Je suis vraiment d’accord avec toi Monsieur ConiLeBarban :) nous ne lisons plus assez malheureusement je pense que si l’on continue comme ça nous irons vers la mort subite des libraires, en tout cas je ne me lasse jamais de te lire, peut-être que si tu écrivais jolie histoire beaucoup de tes followers auraient une soudaine envie de faire du freezbee avec leurs iPads et de reprendre un bouquin!!!! ;-)
Sympa le “petit” article monsieur LeBarban !
Molière qui doit bien rigoler sauf qu’une fois que tu l’as lu tu as sûrement dû le laisser plus de quatre ans dans une bibliothèque et là c’est l’iPad qui devait bien rigoler !
Sans Juda et son baiser, pas de crucifixion, pas de rachat de tous nos péchés. Considéré le livre numérique à l’image d’un intercesseur maléfique mais nécessaire pour le développement d’une nouvelle écriture ne me dérange pas.