Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, était en visite le 11 avril dans les locaux de la société AppGratis. Elle a apporté son soutien à l’entreprise qui a vu son application déréférencée sans avertissement préalable de l’App Store par Apple.
Cette décision unilatérale de la firme de Cupertino menace maintenant la croissance, la pérennité, le modèle économique et les embauches de la société AppGratis. Après l’affaire de la censure de BD sur l’application IZNEO qu’IDBOOX révélait il y a quelques jours, c’est maintenant au tour d’une autre société française de subir les règles d’Apple.
Des clauses sujettent à une «interprétation subjective»
Retour sur les faits évoqués par Simon Dawlat, le PDG de AppGratis. Le service AppGratis a été lancé il y a 4 ans. L’application est utilisée par 12 millions de personnes dans le monde et son « chiffre d’affaires se situe entre 22 et 25 millions d’euros ». Avec ce déréférencement, il est maintenant « quasiment divisé par deux ». Les nouvelles clauses du règlement d’Apple ne sont rentrées en vigueur qu’à la fin de l’année 2012.
En décembre, AppGratis est entré dans d’âpres discussions avec Apple pour expliquer le fonctionnement et le modèle de la société. L’application a été finalement validée par Apple et « officiellement référencée ». Puis Apple a subitement changé d’avis et décidé de retirer l’application sans explication et a rompu tout contact avec la société.
Selon Simon Dawlat, le problème est que les clauses « sont sujettes à l’interprétation subjective d’Apple et AppGratis n’a pas enfreint les règles. C’est Apple qui à changé d’avis unilatéralement. » La croissance et le chiffre d’affaires sont menacés et l’annonce de l’embauche d’une cinquantaine de personnes est remise en cause.
Simon Dawlat, s’inquiète également qu’AppGratis est la première appli à subir ce sort d’une longue liste à suivre. Il n’exclut pas la création d’une fédération des développeurs d’applications pour avoir plus de poids à l’avenir.
Fleur Pellerin a souligné « le déréférencement brutal qui met en péril la stabilité de l’entreprise ». Cette décision unilatérale et ce rapport de force faussé entre les géants du web et les start up françaises qui participent à la vie de ses écosystèmes numériques amène à se poser des questions.
Fleur Pellerin va saisir la Commission Européenne
Fleur Pelelrin soutien AppGratis et appelle Apple à renouer le dialogue mais le gouvernement n’interviendra pas dans des relations commerciales privées : « Je ne suis pas venue ici pour m’immiscer dans des relations privées entre entreprises mais pour mettre en lumière quelque chose qui me paraît être une problématique qui va bien au-delà du cas particulier d’AppGratis et sur lequel il est utile je pense d’avoir une réflexion ».
Plusieurs pistes sont évoquées par la Ministre. « Les comportements abusifs à répétition de certaines plates-formes dominantes du numérique que Ce soit des systèmes d’exploitation mobiles, des moteurs de recherche, des réseaux sociaux, ou encore des plates-formes de diffusion de contenus culturels doivent nous conduire à réfléchir encore plus activement sur la nécessité d’une régulation des relations économiques entre les différents acteurs concernés. Je saisirai la Commission Européenne et les autres états membres de l’Union Européenne de ces questions là, […] Toute l’économie des écosystèmes des plates-formes est en jeu. […] La question mérite d’être posée haut et fort ».
Elle souhaite également agir au plan national : « En lien avec Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, je souhaite que les services de Bercy puissent étudier les moyens de droit, de régulation pour défendre les intérêts des entreprises françaises qui sont pénalisées par de telles situations. »
Elle évoque l’élargissement de la neutralité du net à cette question : « Il faudrait envisager la neutralité plus largement au-delà des réseaux pour être étendu à ces plates-formes incontournables sur le marché ». Avec les affaires AppGratis et Izneo, la Ministre souligne également l’image renvoyée par Apple. Fleur Pellerin demande à Apple d’avoir un comportement éthique conforme à son image de marque, à ses valeurs : « C’est n’est pas un comportement vertueux et digne d’une entreprise de cette taille là. »
« Le risque est que cette société se décrédibilise parce qu’à force de faire des choix éditoriaux un peu contestables, unilatéraux à chaque fois, de dire je vais déréférencer une BD parce qu’elle montre un morceau de corps, ou de dire je déréférence une application du jour au lendemain alors que d’autres applis présentent les mêmes caractéristiques mais continuent à être présentées sur l’App Store, sans explication, sans rationalité, je pense que le risque est plutôt « réputationnel » pour l’entreprise. C’est plutôt ça qui m’inquiéterait si j’étais à la place d’Apple. »