Flore Grainger-Piacentino, chargée de mission au sein de la Commission numérique du Syndicat national de l’édition (SNE), poursuit son tour d’horizon des dossiers importants pour 2016 et 2017 concernant le livre numérique.
Vous pouvez consulter le 1er volet de l’interview en cliquant ici
Concernant l’accessibilité des livres numériques beaucoup de choses ont été faites mais ce n’est pas suffisant, tout le monde en convient, quelles sont les prochaines échéances et le bilan que vous pouvez faire ?
Pour accéder à l’offre de livres en formats braille ou audio, les personnes aveugles ou malvoyantes demandent à leurs associations d’adapter les livres.
Le dispositif Platon de la Bibliothèque nationale de France récupère les fichiers sources des livres auprès des éditeurs puis les transfèrent aux associations qui réalisent les différentes adaptations.
Depuis 2011, 24 971 titres ont été fournis par les éditeurs avec un délai moyen de transmission en 2015 de 21 jours. D’année en année les éditeurs améliorent la qualité des fichiers fournis et diminuent les délais. Ce dispositif est donc efficient et permet des adaptations sur mesure pour les lecteurs.
Restent des délais incompressibles, d’adaptation notamment, qui aboutiront toujours à un décalage entre la sortie d’un livre et son accès pour le lecteur aveugle ou malvoyant. L’objectif pour la profession est donc d’aller vers un marché du livre numérique nativement accessible. L’année 2016-2017 sera marquée par une accélération mondiale des travaux techniques sur ce sujet.
Basés aux Etats-Unis, l’International Digital Publishing Forum (IDPF) et le Daisy Consortium ont fait évoluer la version 3 de l’ePub pour que ce format soit lisible sur les appareils de lectures braille et audio. Ils vont publier cette année un guide de production d’ePub 3 accessibles.
Au niveau européen le laboratoire EDRLab prend en compte d’une part les critères d’accessibilité dans le développement du système de la DRM Readium LCP et va d’autre part développer une application de lecture libre pour tous les ordinateurs qui prendra en compte les besoins des personnes déficientes visuelles.
Le groupe de travail français Normes & Standards, émanant de la commission numérique du SNE, suit activement tous ces travaux et organisera un atelier pour encourager et accompagner l’adoption par les éditeurs du format ePub 3 accessible.
Dès cette année des romans vont paraître en ePub 3 accessible. Le chemin sera naturellement plus long pour les ouvrages illustrés ou contenant des informations paratextes riches et certains ouvrages dont les manuels scolaires nécessiteront encore longtemps le savoir-faire sur mesure des associations. Enfin, au-delà de la production, tous les maillons de la chaîne du livre doivent s’organiser pour que naisse complètement un marché nativement accessible.
Sur la TVA des ebooks, où en sommes-nous, est-ce un dossier sur lequel vous continuez de travailler notamment avec l’Europe ?
Le SNE s’est constamment mobilisé pour que l’Europe reconnaisse la légitimité de la TVA réduite pour le livre numérique au même titre que le livre papier. Rappelez-vous la campagne de mars 2015 sur les réseaux sociaux qui martelait « un livre est un livre ». Aujourd’hui la commission européenne a entendu l’importance du sujet et lance une consultation : le SNE appelle tous les professionnels à y contribuer.
Concernant les livres enrichis interactifs au format ePub ou appli, pensez-vous que ce marché va décoller ? Avez-vous des actions prévues en ce sens pour développer l’offre proposée par les éditeurs et le faire savoir aux lecteurs ?
Chaque année de très beaux projets éditoriaux voient le jour, mais ils sont peu nombreux à rencontrer leur public et très rares malheureusement à atteindre un seuil de rentabilité.
L’édition a toujours été un marché de l’offre. Il est donc probable que les éditeurs devancent les attentes des lecteurs ! La commission numérique suit avec intérêt ces projets et nous leur donnons de la visibilité aux Assises du livre numérique pendant le traditionnel « Pecha Kucha ».
Quand auront lieu les prochaines Assises du livre numérique ? Allez-vous changer de format et dans l’affirmative quelles seront les nouveautés ?
En mars 2016 nous avons diffusé un sondage auprès du public et recueilli 226 réponses, dont 82% qui témoignaient la satisfaction des participants à la dernière édition.
Nous avons pu constater une tendance dont nous avions déjà l’intuition, à savoir que 91% du public est déjà aguerri aux questions numériques, sachant que plus du tiers des professionnels se définit même comme expert. L’événement attire un public fidèle tout en se renouvelant régulièrement : 20,3% des participants à la seizième édition y assistait pour la première fois.
Concernant le format, les répondants ont approuvé l’organisation actuelle d’une journée en novembre et d’une demi-journée en mars. Ils ont été nombreux à souligner l’importance du fil twitter. Aussi pour la prochaine édition qui aura lieu le 16 novembre 2016 nous installerons un écran dédié à la retransmission des échanges sur les réseaux sociaux.
Quel message voudriez-vous faire passer aux professionnels du livre pour cette rentrée et les perspectives 2017 et aux lecteurs ?
Les dossiers traités par la commission numérique peuvent parfois paraître obscurs et n’avoir qu’une vocation politique, je les perçois au contraire comme tous liés à l’ADN des éditeurs : offrir aux lecteurs la possibilité de découvrir une diversité foisonnante de livres. L’adoption de formats standards, le prêt numérique en bibliothèque, la nouvelle vie des œuvres indisponibles, l’accessibilité, les métadonnées, la vente dans les DROM-COM et à l’étranger, tous ces sujets dont nous devons nous préoccuper maintenant concernent toujours l’organisation de la chaîne du livre pour qu’un auteur rencontre un lecteur.
Je dirais donc aux professionnels que la question du numérique ne peut pas être résumée à celle du décollage ou non des ventes en format dématérialisé. C’est un enjeu économique structurel permettant d’améliorer sans cesse la performance de la chaîne du livre et d’affirmer qu’un équilibre économique entre tous les acteurs est possible au bénéfice d’une richesse des catalogues tous formats confondus.
Aux lecteurs je leur souhaite simplement des belles découvertes dans cette nouvelle saison littéraire, quels que soient leurs supports de lecture de prédilection !
Premier volet de l’interview à consulter ici
©169prod