Amazon remporte une victoire en demi-teinte concernant l’affaire des frais de port sur les livres.
La ministre de la Culture, Rachida Dati, avait saisi le Médiateur du Livre en novembre, suite à la parade trouvée par Amazon pour livrer gratuitement les livres commandés sur son site.
Frais de port sur les livres : retour sur une histoire sans fin
Le 7 octobre 2023, la loi Darcos entre en vigueur, imposant des frais de livraison pour les livres achetés sur Internet. Pour l’achat d’un ou plusieurs livres pour un panier total de moins de 35 euros, le lecteur doit s’acquitter de 3 euros minimum de frais de port.
En revanche, si les achats (livres uniquement) dépassent les 35 euros, la livraison ne coûte que 1 centime d’euro, comme c’était en vigueur précédemment chez certains marchands.
Cette loi, pensée pour protéger les librairies indépendantes, semble satisfaire les libraires. Ils ont d’ailleurs récemment publié des chiffres pour le démontrer. (lire notre article).
Cependant, Amazon conteste les bienfaits d’une telle loi. Pour le géant de la vente sur Internet, cette loi lèse le lecteur final et prive celles et ceux qui vivent loin d’une librairie physique de l’accès à la lecture. C’est dans les lieux reculés qu’Amazon livre le plus de livres.
Face à cette situation, Amazon saisit la justice et trouve, en attendant, une parade en novembre 2024. L’entreprise met en place 2 500 points de retrait partout en France, permettant ainsi l’envoi gratuit.
La réaction des libraires est immédiate. Ils contestent fermement cette solution trouvée par Amazon. La ministre de la Culture saisit alors le Médiateur du Livre. Celui-ci rend son avis le 12 février 2025.
Médiateur du Livre : un avis contrasté
Le Médiateur du Livre estime que la livraison gratuite est conforme à la loi si le retrait est effectué dans un commerce vendant effectivement des livres (supermarchés, etc.).
Cependant, il rejette les retraits gratuits via des casiers ou Lockers, les considérant comme non conformes à la loi. L’avis est ici.
Le Syndicat des librairies, SLF se félicite de l’avis rendu. Dans un communiqué, il rappelle que le débat sur les frais de livraison de livres concerne le respect et la pérennité du prix unique du livre. Celui-ci étant essentiel pour maintenir l’équilibre du marché et la diversité éditoriale, portée par les libraires dans toutes les régions, des grandes villes aux petits villages.
La ministre de la Culture salue ce rapport et précise : « La loi Lang est un pilier de notre politique de soutien au livre, et je me félicite que l’amendement apporté par la sénatrice Laure Darcos suscite une dynamique positive. Je serai attentive à ce que les conditions prévues par la loi soient bien réunies pour l’application, le cas échéant, de la gratuité des frais de port, notamment que les lieux de retrait sélectionnés par les acteurs de la vente en ligne affichent une activité significative de vente de livres. Je demande au médiateur de me rendre compte sous deux mois de la mise en œuvre de ses recommandations. »
Frais de livraison sur les livres : la réaction d’Amazon
Il faut savoir que cet avis du Médiateur du Livre est non exécutoire. Il ne peut en aucun cas faire office de loi, mais d’une “mise en œuvre des recommandations”, en tout cas pour le moment.
Néanmoins, Amazon réagit vivement. Contacté par la rédaction, un porte-parole explique : « L’avis rendu public aujourd’hui confirme clairement que la livraison de livres peut être gratuite lorsque le retrait est effectué dans tout magasin qui vend des livres, tel que cela est prévu par la réglementation en vigueur et pratiqué par Amazon et de nombreux acteurs de la grande distribution et des grands magasins spécialisés comme Fnac et Cultura. Nous sommes cependant en désaccord avec certaines conclusions du rapport qui se nourrissent d’une lecture biaisée du droit applicable. »
Selon nos informations, la majorité des 2500 points de retrait sont effectivement situés dans des magasins proposant un comptoir de retrait.
Reste le souci des lockers situés parfois dans des gares, etc. Quid des lockers placés dans un magasin qui vend des livres neufs ? Amazon devra-t-il les retirer ? La question reste entière.
La réponse viendra peut-être de la CJUE. En effet, Amazon rappelle que la loi Darcos fait l’objet d’un recours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. Affaire à suivre…
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