5 Questions À… François Ozon à l’occasion de la sortie de L’Etranger de Camus, au cinéma

François Ozon, nous parle de son adaptation pour le grand écran du roman d’Albert Camus, « L’Étranger ».

Le réalisateur s’est prêté au jeu des questions réponses pour nous en dire plus sur son film. Retrouvez notre critique du film, suivez ce lien.

Interview François Ozon pour la sortie du film L'Etranger de Camus

François Ozon, pourquoi avez-vous décidé de mettre en images « L’Étranger » ?

 Jusqu’à présent, je n’avais adapté que des livres moins célèbres et moins reconnus. C’était un vrai défi que d’adapter un chef-d’œuvre, extrêmement lu et que les lecteurs ont déjà imaginé dans leur tête.

Mais mon intérêt pour « L’Étranger » a été plus important que mes craintes et je me suis donc impliqué avec une certaine insouciance.
Et rapidement, j’ai réalisé qu’adapter « L’Étranger » était une façon de renouer avec une partie oubliée de mon histoire personnelle. Mon grand-père maternel était juge d’instruction à Bône, en Algérie française, et il a échappé à un attentat en 1956. Cela avait entraîné le retour de ma famille en métropole.

Comment adapter une œuvre aussi mythique ?

 Dans toute adaptation, il y a une part de trahison, qu’il faut accepter. Les langues littéraires et cinématographiques ne sont pas les mêmes.

J’ai suivi mon instinct et j’ai collé à la vision d’Albert Camus. Pour moi, la première partie de « L’Étranger » (les obsèques de la mère de Meursault, la vie quotidienne à Alger et l’assassinat de l’Arabe sur la plage) devait être sensorielle, quasiment muette avec un rythme lent. On me disait que la seconde partie (avec le procès de Meursault et son emprisonnement) serait plus facile. Pourtant, c’était celle que j’appréhendais le plus.

Quels sont les aspects du livre que vous avez le plus travaillés pour votre adaptation ?

Dans mon film, les deux personnages féminins, Marie et Djemila, la sœur de l’Arabe, sont plus présentes que dans l’œuvre de Camus.

En réalité, j’ai éprouvé la sensation de tirer un fil qu’Albert Camus avait tissé sans le développer. Il fallait leur donner cette dimension humaniste chère à l’écrivain. J’ai voulu mieux connaître ces deux héroïnes et mettre en scène ce qu’elles auraient fait, pensé et exprimé.

Par exemple, pour moi, Marie n’est pas une simple sténodactylo ou une amoureuse naïve. Elle prend conscience que Meursault est un homme différent.

Interview François Ozon pour la sortie du film L'Etranger de Camus

Pourquoi avez-vous choisi de filmer en noir en blanc ?

C’est à la fois pour des raisons économiques et esthétiques. Économiques, parce qu’on n’avait pas le budget pour les décors et les costumes afin de reconstituer Alger de manière réaliste.

Le tournage a eu lieu au Maroc, à Tanger. Et esthétiques, parce que le noir et blanc apporte une forme de pureté et de beauté. Aujourd’hui, les images sont souvent agressives, avec des couleurs à outrance. Je souhaitais qu’on soit dans la sensation, dans l’observation, dans la simplicité.

Le noir et blanc permettait aussi de me focaliser sur les corps, les gestes ou même, les silences. Et le noir et blanc suggère l’Algérie, un peu comme un paradis qui n’existe plus…

Quel a été le rôle de Catherine Camus, la fille du romancier, dans cette adaptation de « L’Étranger » ?

Catherine Camus veille sur l’œuvre de son père avec bienveillance et autorité. J’ai pu aller à Lourmarin, dans le Vaucluse, pour voir la chambre d’Albert Camus, son bureau, la vue de la terrasse où il écrivait et ressentir la chaleur du sud qui lui rappelait tant l’Algérie. C’était très émouvant.

Catherine Camus a lu le scénario, m’a indiqué des choses importantes au sujet des circonstances de la rédaction de « L’Étranger » », sur des inspirations ou des aspects biographiques, ce qui m’a aidé pour retravailler mon scénario.

Elle a aussi compris ma nécessité de contextualiser afin que mon film ne soit pas déconnecté de la réalité complexe qu’on sait.
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