Le cauchemar américain – De leurs voyages, certains ramènent des bibelots qui finiront empoussiérés au grenier et des photographies qui jauniront dans des albums oubliés. Cécile Chabot a parcouru l’Amérique centrale et en rapporte un bijou. Un recueil de dix-sept nouvelles ciselées comme autant de gemmes, avec art, finesse et talent. Car il en fallait, du talent, pour extraire cet or-là de cette boue-là.

À travers dix-sept villes qui ont donné leur titre à chaque récit, du Mexique au Panama, au long de ce road-movie littéraire, le paysage est celui de la misère, de la drogue, de la dictature, de la violence. Et les (anti-) héros sont fatigués. Ricardo, Philippa, José, Mark et les autres, tous les autres, tous ceux que nous croiserons et qui se croiseront parfois sans le savoir, au fil des histoires, auront fort à faire avec leurs rêves brisés, leur désir d’ailleurs, leurs désillusions et leur tristesse.
Mais jamais l’auteur ne nous englue dans le pathos comme on s’enliserait dans la vase du Rio Coco, et on lui en sait gré. Elle a le bon goût, sans pour autant tomber dans un optimiste bêta, de nous montrer, au milieu de cette pauvreté et de ce malheur généralisés, des femmes, des enfants et des hommes qui croient malgré tout en leur chance et qui vont la tenter coûte que coûte.

Un beau message d’espoir, donc, superbement délivré, à travers un art du récit maîtrisé comme rarement dans ce genre très particulier de la nouvelle. Cécile Chabot n’en fait pas des tonnes, elle choisit toujours le mot et le ton justes, nous offre une écriture si fluide qu’on la lirait volontiers à l’infini, va droit à l’essentiel, au cœur. Au cœur des hommes. Alors forcément, elle nous touche et nous émeut, sans effort apparent. Ce qui demande un travail herculéen.

À découvrir, du même auteur mais dans un registre différent – le polar maya – Le Cycle de Xhól, qui comprend pour l’instant deux opus : « Le secret du masque de jade » et « Le marchand de la mort ». Pour le prix, on achète les trois !

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Chronique de Laurent Bettoni